Une feuille de route précise la stratégie française pour les actions de pré-normalisation et de normalisation BIM aux échelles nationale, européenne et internationale. Ce document oriente les mobilisations d’experts nécessaires à la défense des intérêts nationaux en matière de BIM. Des travaux qui fondent les normes.

Les travaux prénormatifs sur le BIM sont menés essentiellement par BuildingSmart international (bSI). Cette organisation en charge du développement de l’Open BIM vise à proposer rapidement des outils et des méthodes aux professionnels de la construction. Le bSI participe, en amont, à des travaux prénormatifs pour préparer et évaluer des standards en émergence. Une fois matures, ces standards sont ensuite pris en charge par les instances de normalisation ad-hoc pour en faire des normes nationales, européennes ou internationales. En aval de la normalisation, le bSI sʼemploie à faciliter le déploiement du BIM auprès des professionnels du secteur. Ces travaux peuvent sʼappuyer sur des normes adaptées lorsquʼelles existent.

Dʼautres travaux prénormatifs sont menés par l’OGC (Open geospatial consortium) sur la modélisation et lʼéchange dʼinformation à lʼéchelle urbaine et par la communauté W3C (World wide web consortium, qui développe les standards du web) sur des thématiques émergentes liées aux données liées (linked data). Des missions de normalisation à trois échelles

Les travaux de normalisation du BIM sont, quant à eux, menés à trois niveaux. Au niveau français, la commission nationale PPBIM de lʼAfnor a élaboré entre autres la norme expérimentale XP P07-150, publiée en décembre 2014, qui explique comment définir les propriétés des produits de construction ainsi que la méthodologie de création et de gestion de ces propriétés dans un référentiel harmonisé. A lʼéchelle européenne, cʼest le CEN / TC 442, créé en avril 2015, qui coordonne les travaux de normalisation du numérique dans la construction. Enfin, au niveau international, l’ISO / TC 59 / SC13 (Organisation of information about construction works) est à la manœuvre. Cette instance est en lien avec le TC 211 (geographic information systems) et le TC184 /SC 4 (industrial data).

Comparable à un bâtiment de plusieurs étages, les rédacteurs du document présentant la stratégie française de normalisation BIM ont choisi de décrire lʼarticulation des travaux de pré-normalisation et de normalisation autour du BIM en comparant cet édifice normatif à un bâtiment. Lʼétage supérieur correspond au processus d’élaboration d’un projet où sʼexpriment les besoins en données de chacun des acteurs et les modes dʼéchange dʼinformation entre eux.

Lʼétage intermédiaire est celui des data. Il correspond aux modèles BIM, cʼest-à-dire à des modèles informatiques traités par les ordinateurs. Le rez-de-chaussée est le niveau des dictionnaires de données, utilisables par les acteurs et décrits dans des formats permettant leur traitement automatique par les machines. Cet étage comporte également les classifications des composants utilisables dans le cadre dʼun projet BIM. Des escaliers et des conduits assurent les connexions Les experts ont identifié treize sujets de travaux de normalisation et pré-normalisation en lien avec le BIM sur lesquels les acteurs français doivent se positionner.

Ces treize thématiques sʼintègrent dans la représentation en trois étages qui permet dʼassocier aux escaliers entre niveaux les thématiques traitant des interactions entre les sujets représentés par chaque étage. Ainsi, le passage de lʼétage supérieur (acteurs) à lʼétage intermédiaire (machines) est réalisé grâce aux différentes vues du modèle informatique de données orienté objet IFC, utilisé dans la construction pour échanger des informations. Et le passage du rez-de-chaussée (dictionnaires) à lʼétage intermédiaire introduit la notion dʼobjets BIM. Dans cette représentation, des conduits verticaux desservent également tous les étages afin de représenter les thématiques transverses telles que les conteneurs de données, le support du cycle de vie dʼun produit (product life cycle support, ou PLCS) et les données liées (linked data). Le passage dʼun niveau à lʼautre doit répondre aux besoins des acteurs (BIM uses) et retranscrits dans un plan de mise en œuvre, ou BIM execution plan (BEP). Ce BEP peut être rédigé en sʼappuyant sur une norme méthodologique : ISO 19650.

Par ailleurs, le positionnement du bâtiment dans son environnement permet de passer à lʼéchelle urbaine et dʼintroduire la thématique des systèmes dʼinformation géographique (SIG) via le standard dʼéchange CityGML.

Enfin, cette modélisation permet également de positionner en les différenciant les notions de “model”, “modeling” et “management” couramment associées à la lettre “M” de BIM. Recommandations d’actions à tous les étages Une fois le décor planté, place à lʼaction. Les rédacteurs de la stratégie française pour les actions de normalisation BIM dans le bâtiment indiquent quelles sont les actions prioritaires à mener à chaque étage de lʼédifice. Ainsi, à lʼétage supérieur, celui des processus (IDM, BEP et information management), les experts doivent veiller à ce que les normes issues des travaux internationaux soient compatibles avec les usages du secteur du bâtiment en France et que leurs applications puissent être bénéfiques à tous les acteurs de la filière. Il sʼagit dʼactions essentielle- ment défensives. Il est nécessaire de soutenir les experts français pour contribuer aux travaux Afnor/PPBIM/GE3, CEN TC442/WG3 “Processus IDM et BEP”, ISO TC184/SC4/PLCS et son groupe miroir français Afnor/CP IDMI et enfin ISO TC59/SC13/WG13 “Information manage- ment ISO 19650”. « Pour ce faire, estime la feuille de route, un groupe dʼexperts spécialisés doit être identifié et un financement mis en place pour mandater des experts, via lʼAfnor, aux instances dʼISO et du CEN. » Plus loin avec le modèle de données IFC A lʼétage intermédiaire, lʼobjectif est de perfectionner le format de modèle de données ouvert et interopérable IFC pour promouvoir son utilisation normalisée. LʼIFC doit évoluer pour faciliter lʼemploi des formats de collaboration BCF (BIM collaboration format) et des MVD (model view definition) adaptés aux besoins du secteur. En particulier, il sʼagit de valider des modèles simples et des cas simples et de réfléchir à des outils dʼimport/export indépendants des éditeurs.

Pour mener ces actions à la fois offensives et défensives, des experts français doivent là encore participer aux travaux du CEN et dʼISO, mais aussi à BuildingSmart International.

Dictionnaires et classifications : les Français mènent la danse Autour de la norme expérimentale XP P07-150, au rez-de-chaussée de lʼédifice, le travail sur les dictionnaires est bien avancé en France et présente, selon le document sur la stratégie française, « une réelle opportunité de contribution bénéfique au sein des instances internationales ». La France anime le CEN/TC442/WG4 et pilote la rédaction de la norme de méthodologie de création et gestion de propriétés. Mais les experts français doivent aussi surveiller les travaux sur la norme ISO 16757, notamment sa proposition de passage en norme EN, afin de vérifier sa cohérence avec les travaux européens. Travailler sur les connexions « Pour définir les échanges de données véhiculées par les outils logiciels, il faut créer des MVD (model view definitions), rappelle la feuille de route, et prendre en compte les besoins des utilisateurs qui souhaitent définir eux-mêmes, en fonction de leurs activités, les MVD adéquats ». Ce travail devra être réalisé par les experts spécialisés chargés des travaux sur les IFC. Du côté des objets BIM et des bibliothèques dʼobjets, la feuille de route rappelle que, pour garantir lʼinteropérabilité et la pérennité des fichiers et objets BIM, lors des travaux sur les dictionnaires et les IFC, il est nécessaire de promouvoir une norme internationale qui puisse être facilement adoptée par les acteurs français de la construction.

La constitution de bibliothèques dʼobjets génériques doit être réalisée selon une approche ouvrage qui permette aux acteurs dʼassocier des exigences et des performances spécifiques à un ouvrage ou une partie dʼouvrage. Cʼest le sens du projet POBIM mené par le PTNB (lire p. 53). Ce travail devra être relayé par les experts Afnor spécialisés chargés des travaux sur les dictionnaires et les IFC. En ce qui concerne les données liées – ou linked Data – et les conteneurs de données, il existe de nombreux vocabulaires respectant les principes des “données liées” et pouvant être utilisés dans un contexte BIM. De nombreuses études universitaires sont en cours en France et à lʼétranger. Le web sémantique et les données liées apparaissent comme des enjeux majeurs pour les auteurs de la feuille de route. Ceux-ci estiment que, dans le domaine du bâtiment, le sujet des conteneurs de données est une piste de normalisation utile, y compris pour les PME. En particulier, la normalisation du projet COINS est un sujet particulièrement sensible autour duquel une présence forte sʼimpose pour éviter la normalisation en lʼétat de ce modèle dʼéchange qui ne répond pas aux besoins français dans le domaine du bâtiment.

Les experts spécialisés français doivent participer au débat sur ces sujets. Le “support du cycle de vie d’un produit” (ou PLCS pour “product life cycle support”) propose un cadre pour l’intégration, l’échange et la gestion des données techniques nécessaires à la maintenance d’un produit complexe et de son évolution au cours de son cycle de vie. Là encore, une approche utilisateur dans lʼensemble des applications de PLCS ne sera assurée quʼavec une norme internationale qui puisse être facilement adoptée par les acteurs en France et au-delà. Les experts chargés des travaux sur les IDM doivent sʼen préoccuper.

Le bâtiment dans son environnement Au-delà du périmètre du bâtiment, CityGML est un standard international de l’OGC (Open geospatial consortium) dédié à la modélisation et à lʼéchange de données urbaines 3D. Il a déjà fait lʼobjet de nombreuses implémentations. Étroitement lié aux travaux sur des systèmes dʼinformations géographiques (SIG) et les travaux dʼinfrastructures, ce sont des standards complémentaires qui vont favoriser lʼinteropérabilité entre les SIG et les outils BIM. Au sein des différents groupes de travail constitués, les actions des experts spécialisés français devront viser la cohérence des modèles IFC et CityGML entre elles ainsi que la compatibilité au niveau national des systèmes dʼinformations géographiques et les normes BIM à venir. Oui à la participation de tous La participation aux travaux de normalisation, non rémunérée, est coûteuse pour les employeurs des experts impliqués (frais de transports, temps de travail). Elle est donc assurée par des acteurs à lʼassise financière suffisante. Or le PTNB souhaite voir les petites structures sʼinvestir dans ces sujets afin que leurs besoins soient pris en compte dans les travaux de normalisation.

Un comité de coordination, où sont notamment représentées les organisations professionnelles et MediaConstruct, a donc été mis en place et soutenu financièrement par le PTNB afin de valider les travaux des experts français et de faciliter leur présence dans les instances de normalisation précédemment citées.